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LA RÉVOLUTION


bandes de maraudeurs font feu sur les patrouilles. — À Chantilly, trois officiers de chasse[1] sont blessés mortellement ; pendant dix-huit jours consécutifs, les deux parcs sont dévastés ; tout le gibier est tué, transporté à Paris, vendu. — À Chambord, le lieutenant de la maréchaussée écrit pour annoncer son impuissance ; les bois sont ravagés et même incendiés ; ce sont les braconniers qui maintenant sont les seigneurs du lieu ; ils ont fait brèche aux murs et dessèchent les étangs pour mettre le poisson à sec. — À Claix, en Dauphiné, un officier de la maîtrise, ayant obtenu contre les habitants la défense de couper du bois dans les îlots affermés, est saisi, supplicié pendant cinq heures, puis assommé à coups de pierres. — Vainement l’Assemblée nationale, par trois décrets et règlements, a mis les forêts sous la surveillance et la protection des corps administratifs ; ils ont trop peur de leurs administrés. Entre le pouvoir central qui est débile et lointain et le peuple qui est fort et présent, c’est pour le peuple qu’ils se décident. Des cinq municipalités qui entourent Chantilly, aucune ne veut prêter main-forte à la loi, et le directoire du district, le directoire du département, autorisent leur inertie. — Pareillement, près de

  1. Mercure de France, 12 et 26 mars 1791. — Archives nationales, H, 1453. Lettre du lieutenant de la maréchaussée de Blois, 22 avril 1790. — Mercure de France, 24 juillet 1790. Deux des meurtriers disaient à ceux qui voulaient sauver l’officier de la maîtrise : « On pend bien à Paris. Allez, vous êtes des aristocrates. On parlera de nous dans les gazettes de Paris. » (Dépositions des témoins.) — Décrets et proclamations pour la protection des forêts, 3 novembre et 11 décembre 1789. — Autre en octobre 1790. — Autre le 29 janvier 1791.