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LA CONSTITUTION APPLIQUÉE


Pierre-le-Moutier, Montluçon, Saint-Amand, Château-Gontier, Decize, chaque petite cité est un îlot assailli par la marée montante de l’insurrection campagnarde. La milice y passe la nuit sous les armes ; des détachements de la garde nationale des grandes villes, des troupes réglées y viennent tenir garnison. À Bourbon-Lancy, pendant huit jours, le drapeau rouge est en permanence, et les canons restent sur la place chargés et braqués. Le 24 mai, Saint-Pierre-le-Moutier est attaqué, et, toute la nuit, des deux côtés on se fusille. Le 2 juin, Saint-Amand, menacé par vingt-sept paroisses, n’est sauvé que par ses préparatifs et par sa garnison. Vers le même temps, Bourbon-Lancy est attaqué par douze paroisses réunies, Château-Gontier par les sabotiers des forêts voisines ; une bande de quatre à cinq cents villageois arrête les convois de Saint-Amand et fait capituler leurs escortes ; une autre bande se fortifie dans le château de la Fin, et y tiraille un jour entier contre la troupe et la garde nationale. — Les grandes villes elles-mêmes ne sont pas en sûreté. Trois à quatre cents campagnards, conduits par leurs officiers municipaux, entrent de force à Tours pour contraindre la municipalité à baisser d’un tiers le prix du blé et à diminuer le prix des baux. Deux mille ardoisiers, armés de fusils, de broches et de fourches, pénètrent dans Angers pour obtenir un rabais du pain, tirent sur la garde, sont chargés par la garde nationale et la troupe ; nombre d’entre eux restent sur le carreau, deux sont pendus le soir même, et le drapeau rouge demeure exposé huit

  la révolution. ii.
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