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LA RÉVOLUTION


métairie. — Pour arrêter les meurtres, il faut l’intervention de la garde nationale de Montpellier. Mais, si l’ordre est rétabli, ce n’est qu’au profit du parti vainqueur. Les trois cinquièmes des électeurs se sont enfuis ; un tiers des administrateurs du district et du département a été nommé en leur absence, et la majorité des nouveaux directoires est prise dans le club patriote. C’est pourquoi les détenus sont traités d’avance en coupables : « Nul huissier n’ose leur prêter son ministère, ils ne sont pas admis à faire la preuve de leurs faits justificatifs, et personne n’ignore que les juges ne sont pas libres[1]. » — Ainsi finissent partout les commencements ou les éclats de la discorde religieuse et politique. Le vainqueur bâillonne la loi quand elle va parler pour ses adversaires, et, sous l’iniquité légale de son administration permanente, il écrase ceux qu’il a terrassés par la violence illégale de ses coups de main.

II

Des passions comme celle-ci sont l’œuvre de la culture humaine et ne se déchaînent que sur un territoire restreint. Il est une autre passion qui n’est ni historique ni locale, mais naturelle et universelle, la plus indomptable, la plus impérieuse, la plus redoutable de toutes, je veux

  1. Archives nationales, F7, 3216. Lettre de M. de Lespin, major à Nîmes, au commandant de la Provence, M. de Périgord, 27 juillet 1790. « Les trames, les conspirations, que l’on avait attribuées au parti vaincu et que l’on croyait découvrir dans les dépositions de quatre cents hommes emprisonnés, s’évanouissent à mesure que la procédure avance. Les véritables coupables ne se rencontreront que dans les dénonciateurs. »