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LA CONSTITUTION APPLIQUÉE


« sous peine de vie », et déclarent que « l’évêché n’est pas fait pour servir de corps de garde ». — Attroupements, cris sous les fenêtres : des pierres sont jetées ; la trompette d’un dragon qui sonnait le rappel est brisée ; deux coups de fusil partent[1]. Aussitôt les dragons font une décharge générale qui blesse beaucoup d’hommes et en tue sept. — À partir de ce moment, pendant toute la soirée et toute la nuit, on tire dans toute la ville, chaque parti croyant que l’autre veut l’exterminer, les protestants persuadés que c’est une Saint-Barthélemy, les catholiques que c’est « une Michelade ». Personne pour se jeter entre eux. Bien loin de donner des ordres, la municipalité en reçoit : on la rudoie, on la bouscule, on la fait marcher comme un domestique. Les patriotes viennent prendre à l’hôtel de ville l’abbé de Belmont, officier municipal, lui commandent, sous peine de mort, de proclamer la loi martiale, et lui mettent en main le drapeau rouge. « Marche donc, calotin, b…, j… f… ! Plus haut le drapeau, plus haut encore, tu es assez grand pour cela. » Et des bourrades, des coups de crosse. Il crache le sang n’importe, il faut qu’il soit en tête, bien visible, en façon de cible, tandis que, prudemment, ses conducteurs restent en arrière. Il avance ainsi, à travers les balles, tenant le drapeau, et se trouve prisonnier des poufs rouges, qui le relâchent en gardant son drapeau. —

  1. Ce dernier fait, affirmé dans le rapport de M. Alquier, est nié par la municipalité. Selon elle, les poufs rouges attroupés autour de l’évêché n’avaient pas de fusils.