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LA CONSTITUTION APPLIQUÉE


des catholiques, chacun d’eux défiant, hostile, prompt à se mettre en défense, interprétant comme un plan d’attaque tous les préparatifs de son adversaire : en de telles circonstances, les fusils partent tout seuls. — Sur une alarme à Uzès[1], on verra tout d’un coup les catholiques, au nombre de deux mille, s’emparer de l’évêché et de l’hôtel de ville, les protestants, au nombre de quatre cents, s’assembler hors des murs sur l’Esplanade, et passer ainsi la nuit l’arme au bras, chaque troupe persuadée que l’autre va la massacrer, et appelant au secours l’une les catholiques de Jalès, l’autre les protestants de la Gardonnenque. — Entre deux partis ainsi disposés, il n’y aurait qu’un moyen d’empêcher la guerre civile : ce serait l’ascendant d’un tiers arbitre, étranger, présent, énergique. À cet effet, le commandant militaire du Languedoc propose un plan efficace : selon lui[2], les boutefeux sont, d’un côté les évêques du bas Languedoc, de l’autre côté MM. Rabaut-Saint-Étienne, le père et les deux fils, tous les trois pasteurs ; qu’on les rende responsables « sur leurs têtes » de tout attroupement, insurrection, ou tentative pour débaucher l’armée ; qu’un tribunal de douze juges soit choisi par les municipalités des douze villes ; qu’on traduise devant lui les délinquants ; qu’il prononce en dernier ressort et que la sentence soit exécutable à l’instant même. — Mais c’est justement le système inverse qui

  1. Dampmartin, I, 187 (témoin oculaire).
  2. Archives nationales, F7, 3223, et 3216. Lettres de M. de Bouzols, maréchal de camp, en résidence à Montpellier, 21, 25 et 28 mai 1790.