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LA RÉVOLUTION


La Fayette, au péril de sa vie, sauve de sa main dix-sept personnes en divers quartiers[1]. — Le 22 juillet, sur les dénonciations qui se propagent autour de Paris comme des traînées de poudre, deux administrateurs du premier rang, M. Foullon, conseiller d’État, et M. Bertier, son gendre, sont arrêtés, l’un près de Fontainebleau, et l’autre près de Compiègne. M. Foullon[2], maître sévère, mais intelligent et utile, a dépensé soixante mille francs l’hiver précédent, dans sa terre, pour donner de l’ouvrage aux pauvres. M. Bertier, homme appliqué et capable, a cadastré l’Île-de-France pour égaliser la taille, ce qui a réduit d’un huitième, puis d’un quart, les cotes surchargées. Mais tous deux ont réglé les détails du camp contre lequel Paris s’est soulevé ; tous deux sont proscrits publiquement, depuis huit jours, par le Palais-Royal, et, dans un peuple effaré par le désordre, exaspéré par la faim, affolé par le soupçon, un accusé est un coupable. — Pour Foullon, comme pour Réveillon, une légende s’est faite marquée au même coin, sorte de monnaie courante à l’usage du peuple et que le peuple a fabriquée lui-même en rassemblant dans un mot tragique l’amas de ses souffrances et de ses ressentiments[3] : « Il a dit que nous ne valions pas mieux que

  1. M. de la Fayette, Mémoires, I, 264, lettre du 16 juillet 1789. « J’ai déjà sauvé la vie à six personnes qu’on pendait dans les différents quartiers. »
  2. Poujoulat, Histoire de la Révolution française, 100 (avec les documents à l’appui). — Procès-verbaux de l’assemblée provinciale de l’Île-de-France (1787), 127.
  3. Par exemple : « Il est sévère avec ses vassaux. » — Il ne « leur donne pas de pain, il veut donc qu’ils mangent de l’herbe ? »