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L’ANARCHIE SPONTANÉE


n’y regardent pas de si près, et les manœuvres, charretiers, savetiers, maçons, chaudronniers, débiteurs de marbre, qu’ils vont racoler dans leurs garnis, n’en savent pas davantage. Quand l’irritation s’est accumulée, elle déborde au hasard.

Justement le clergé de Paris vient de déclarer[1] qu’il renonce à ses privilèges en fait d’impôt, et le peuple, prenant ses amis pour ses adversaires, ajoute dans ses invectives le nom du clergé au nom de Réveillon. Pendant toute la journée et tout le loisir du dimanche la fermentation croît, et le lundi 27, autre jour d’oisiveté et d’ivrognerie, les bandes s’ébranlent. Des témoins en rencontrent une rue Saint-Séverin « armée de massues », si épaisse que le passage est barré. « De toutes parts on ferme les portes et les boutiques en criant : Voilà la révolte ! Les séditieux vomissent des imprécations et des invectives contre le clergé », et, voyant un abbé, l’appellent « f.... prêtre ». Une autre bande promène un mannequin de Réveillon, décoré du cordon de Saint-Michel, lui fait subir une parodie de jugement, le brûle en place de Grève et menace sa maison ; repoussée par la garde, elle envahit celle d’un salpêtrier son ami, brise et brûle tous les effets et tous les meubles[2]. C’est seulement vers minuit que l’attroupement est dispersé, et l’on croit en avoir fini avec l’émeute. — Le lendemain, elle recommence plus forte ; car, outre les aiguil-

  1. Bailly, I, 25 (le 26 avril.
  2. Hippeau, IV, 377 (Lettre de M. Perrot, 29 avril).