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L’ANARCHIE SPONTANÉE


injustice énorme et une imprudence inconcevable, tous les impôts des villes pèsent sur la farine ; partant, c’est à l’impôt qu’on attribue directement la cherté du pain ; c’est pourquoi l’agent du fisc devient l’ennemi visible, et les révoltes de la faim se changent en insurrections Contre l’État.

VI

Là aussi les nouveautés politiques sont l’étincelle qui met le feu à l’amas de poudre ; partout, c’est le jour même de l’assemblée électorale que le peuple se soulève ; en moins de quinze jours, il y a dans la province quarante à cinquante insurrections. L’imagination populaire est allée droit au but comme un enfant ; les réformes étant annoncées, elle les croit venues, et, pour plus de sûreté, elle les exécute à l’instant : puisqu’on doit nous soulager, soulageons-nous. « Ce n’est pas une émeute isolée comme d’ordinaire, écrit le commandant des troupes[1] ; ici la partie est liée et dirigée par des principes uniformes ; les mêmes erreurs sont répandues dans tous les esprits… Les principes donnés au peuple sont que le roi veut que tout soit

  1. Archives nationales, H, 1453. Lettres de M. de Caraman, 23, 26, 27, 28 mars ; du Sénéchal de Missiessy, 24 mars ; du maire d’Hyères, 25 mars, etc. — Ib., H, 1274 de M. de Montmayran, 2 avril ; de M. de Caraman, 18 mars, 12 avril ; de l’intendant, M. de la Tour, 2 avril ; du procureur général, M. d’Antheman, 17 avril et rapport du 15 juin ; des officiers municipaux de Toulon, 11 avril ; du subdélégué de Manosque, 14 mars ; de M. de Saint-Tropez, 21 mars. — Procès-verbal signé par 119 témoins sur l’émeute du 5 mars à Aix, etc.