Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 3, 1909.djvu/40

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
26
LA RÉVOLUTION


dans les provinces du Midi, où les principaux impôts sont assis sur les consommations ; là aussi, c’est au nom de la puissance publique qu’on suspend les perceptions. À Agde[1], « le peuple s’est follement persuadé qu’il était tout et qu’il pouvait tout, vu la prétendue volonté du roi sur l’égalité des rangs » ; c’est ainsi qu’il interprète à sa guise et en son langage la double représentation accordée au Tiers. En conséquence, il menace la ville d’un pillage général, si l’on ne baisse le prix de toutes les provisions et si l’on ne supprime le droit de la province sur le vin, le poisson et la viande ; de plus, « ils veulent nommer des consuls partis de leur classe », et l’évêque, seigneur de la ville, le maire, les notables, contre lesquels ils sont allés racoler de force les paysans dans la campagne, sont obligés de proclamer à son de trompe que toutes leurs demandes sont accordées. Trois jours après, ils exigent que le droit de mouture soit diminué de moitié, et vont chercher l’évêque propriétaire des moulins. Le prélat, malade, défaille dans la rue et s’assied sur une borne ; là, séance tenante, on l’oblige à signer un acte de renoncement ; par suite, « son moulin, affermé 15 000 livres, est réduit maintenant à 7 500 ». — À Limoux, sous prétexte de rechercher les grains, ils pénètrent chez le contrôleur et chez les fermiers des impôts, emportent leurs registres et les jettent à l’eau avec le mobilier des commis. — En Provence, c’est pis : car, par une

  1. Archives nationales, H, 1453. Lettre du maire et des consuls d’Agde, 21 avril ; de M. de Périgord, 19 avril et 5 mai.