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L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE ET SON ŒUVRE


12 juillet 1790, l’Assemblée établit la constitution civile du clergé.

C’est que, malgré la confiscation des biens et la dispersion des communautés, le principal corps ecclésiastique subsiste intact : soixante-dix mille prêtres, enrégimentés sous les évêques, autour du pape leur général en chef. Il n’en est pas de plus solide, de plus antipathique et de plus attaqué. Car il a contre lui des rancunes invétérées et des opinions faites, le gallicanisme des légistes qui, depuis saint Louis, sont les adversaires du pouvoir ecclésiastique, la doctrine des jansénistes qui, depuis Louis XIII, veulent ramener l’Église à sa forme primitive, la théorie des philosophes qui, depuis soixante ans, considèrent le christianisme comme une erreur et le catholicisme comme un fléau. À tout le moins, dans le catholicisme, l’institution cléricale est condamnée, et l’on se croit modéré si l’on respecte le reste : « Nous pourrions changer la religion », disent des députés à la tribune[1]. Or le décret ne touche ni au dogme ni au culte ; il se borne à remanier la discipline, et, sur ce terrain distinct qu’on revendique pour la puissance civile, on prétend, sans le concours de la puissance ecclésiastique, démolir et rebâtir à discrétion.

En cela, l’on usurpe ; car, aussi bien que la société civile, la société ecclésiastique à le droit de choisir sa forme, sa hiérarchie et son gouvernement. — Là-dessus, toutes les raisons qu’on peut donner en faveur de la pre-

  1. Moniteur, séance du 1er  juin 1790, discours de Camus, de Treilhard, etc.