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L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE ET SON ŒUVRE


1000, si elle en vaut 7000, 10 000, si elle en vaut 70 000, 100 000, si elle en vaut 700 000. Tel y gagne 600 000 francs, 30 000 livres de rente[1]. Par ce cadeau gratuit et inattendu, 123 millions de revenu, 2 milliards et demi de capital sont partagés entre tous les propriétaires fonciers de France, et d’une façon si ingénieuse, que, plus on est riche, plus on reçoit. Tel est l’effet des principes abstraits ; pour soulager de 30 millions par an les paysans en sabots, une assemblée démocratique accroît de 30 millions par an le revenu des bourgeois aisés, et de 30 millions par an le revenu des nobles opulents. De plus, cette première partie de l’œuvre n’est qu’onéreuse pour l’État ; car, pour dégrever les propriétaires fonciers, il s’est grevé lui-même, et désormais, sans embourser un sou, c’est lui qui paye à leur place les frais du culte. — Quant à la seconde partie de l’opération, je veux dire la confiscation de quatre milliards d’immeubles, en fin de compte elle se trouve ruineuse, après avoir semblé lucrative. Car elle fait sur nos politiques la même impression qu’une grosse succession immobilière sur un parvenu besogneux et chimérique. À ses yeux, c’est un puits d’or sans fond ; il y puise à pleines mains et entreprend d’exécuter tous ses rêves : puisqu’il peut tout payer, il est libre de tout casser. C’est ainsi que l’Assemblée supprime et rembourse les offices de magistrature, 450 millions, les charges et cautionnements de finance,

  1. Moniteur, séance du 10 août 1789, discours de Siéyès. — Les chiffres donnés ici sont déduits des chiffres donnés déjà dans l’Ancien régime.