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LA RÉVOLUTION


moyenne il n’y a que 9 religieux par maison d’hommes, on trouve en moyenne 24 religieuses par maison de femmes. Telle, à Saint-Flour, élève cinquante pensionnaires ; une autre, à Beaulieu, instruit cent externes ; une autre, en Franche-Comté, dirige huit cents enfants abandonnés[1]. — Devant de tels instituts, évidemment, pour peu qu’on ait souci de l’intérêt public et de la justice, il faut s’arrêter. D’autant plus qu’il est inutile de sévir ; en vain la main rude du législateur essayera de les écraser ; ils repousseront d’eux-mêmes, parce qu’ils sont dans le sang de toute nation catholique. Au lieu de 37 000 religieuses, il y en a maintenant en France 86 000, c’est-à-dire, sur 10 000 femmes, 45 au lieu de 28.

En tout cas, si l’État les exproprie, eux et les autres corps ecclésiastiques, ce n’est pas lui qui peut revendiquer leur dépouille. Il n’est pas leur héritier, et leurs immeubles, leur mobilier, leurs rentes, ont, par nature, sinon un propriétaire désigné, du moins un emploi obligé. Accumulé depuis quatorze siècles, ce trésor n’a été formé, accru, conservé qu’en vue d’un objet. Les millions d’âmes généreuses, repentantes ou dévouées, qui l’ont donné ou administré, avaient toutes une intention précise. C’est une œuvre d’éducation, de bienfaisance, de religion, et non une autre œuvre, qu’elles voulaient faire. Il n’est pas permis de frustrer leur volonté légitime. Les morts ont des droits dans la

  1. Archives nationales, papiers du Comité ecclésiastique, passim. — Sauzay, I, 51. — Statistique de la France pour 1866.