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L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE ET SON ŒUVRE



Que cette réforme doive se faire avec la coopération ou même sous la direction de l’État, cela n’est pas moins certain. Car un corps n’est pas un individu comme les autres, et, pour qu’il acquière ou possède les privilèges d’un citoyen ordinaire, il faut un supplément, une fiction, un parti pris de la loi. Si volontairement elle oublie qu’il n’est pas une personne naturelle, si elle l’érige en personne civile, si elle le déclare capable d’hériter, d’acquérir et de vendre, s’il devient un propriétaire protégé et respecté, c’est par un bienfait de l’État qui lui prête ses tribunaux et ses gendarmes, et qui, en échange de ce service, peut justement lui imposer des conditions, entre autres l’obligation d’être utile, de rester utile, ou tout au moins de ne pas devenir nuisible. Telle était la règle sous l’ancien régime, et, surtout depuis un quart de siècle, graduellement, efficacement, le gouvernement opérait la réforme. Non seulement, en 1749, il avait interdit à l’Église de recevoir aucun immeuble, soit par donation, soit par testament, soit par échange, sans lettres patentes du roi enregistrées au Parlement ; non seulement, en 1764, il avait aboli l’ordre des Jésuites, fermé leurs collèges et vendu leurs biens, mais encore, depuis 1766, une commission permanente, instituée par son ordre et dirigée par ses instructions, élaguait toutes

    les Moines d’Occident, Introduction, 105-164. Lettre d’un Bénédictin de Saint-Germain-des-Prés à un Bénédictin de Vannes. « De tous les religieux de votre congrégation qui viennent ici loger, je n’en ai presque pas vu qui nous aient édifiés. Vous en direz sans doute autant des nôtres qui vont chez vous. » — Cf., dans les Mémoires de Merlin de Thionville, la description de la Chartreuse du Val-Saint-Pierre.