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L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE ET SON ŒUVRE


cipités dans la révolte. À l’insurrection des Cévennes correspond l’insurrection de la Vendée, et l’on trouvera les émigrés, comme jadis les réfugiés, sous les drapeaux de la Prusse et de l’Angleterre. Cent mille Français chassés à la fin du dix-septième siècle, cent vingt mille Français chassés à la fin du dix-huitième siècle, voilà comment la démocratie intolérante achève l’œuvre de la monarchie intolérante. L’aristocratie morale a été fauchée au nom de l’uniformité. L’aristocratie sociale est fauchée au nom de l’égalité. Pour la seconde fois, et avec le même effet, un principe absolu enfonce son tranchant dans la société vivante. — Le succès est complet, et dès les premiers mois de la Législative un député, apprenant le redoublement des émigrations, peut dire avec joie : « Tant mieux ! la France se purge ». En effet, elle se vide de la moitié de son meilleur sang.

IV

Restaient les corps propriétaires, ecclésiastiques ou laïques, et notamment le plus vieux, le plus opulent, le plus considérable : je veux dire le clergé régulier et séculier. — Là aussi les abus étaient graves ; car l’institution, fondée pour des besoins anciens, ne s’était pas raccordée aux besoins nouveaux[1]. Des sièges épiscopaux trop nombreux et répartis d’après la distribution de la population chrétienne au quatrième siècle ; un revenu encore plus mal partagé : des évêques et des abbés ayant 100 000 livres de

  1. Cf. L’Ancien régime. t. I, liv. I et II.