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L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE ET SON ŒUVRE


qui peut-être n’a jamais été écrit, le titre primitif déjà rare en 1720[1], volé depuis ou brûlé dans les récentes jacqueries ; sinon, il est dépouillé sans indemnité. De ce coup, sans exception ni compensation, toute la créance féodale est anéantie. — Pareillement, dans les successions ab intestat, l’Assemblée constituante, abrogeant la coutume, avait retiré tout avantage aux aînés et aux mâles[2]. La Convention, supprimant la liberté testamentaire, va défendre au père de disposer de plus d’un dixième de son bien ; de plus, remontant en arrière, elle assujettit le passé à ses décrets : tout testament ouvert depuis le 14 juillet 1789 est annulé, s’il y est contraire ; toute succession ouverte depuis le 14 juillet 1789 est repartagée, si le partage n’a pas été égal ; toute donation faite entre vifs depuis le 14 juillet 1789 est cassée. De cette façon, non seulement la famille féodale est détruite, mais jamais elle ne pourra se reformer. Une fois posé que l’aristocratie est une plante vénéneuse, il ne suffit pas de l’élaguer, il faut l’extirper, et non seulement couper toutes ses racines, mais écraser toutes ses semences. — Un préjugé haineux s’est élevé contre elle, et, de jour en jour, il grandit. Des piqûres d’amour-

  1. Institution au Droit français, par Argon, I, 103. (Il écrivait sous la Régence) : « L’origine de la plupart des fiefs est si ancienne, que, si l’on obligeait les seigneurs à rapporter les titres des premières concessions pour se faire payer de leurs rentes, il n’y en a presque point qui fussent en état de les représenter. Les coutumes ont supplée à ce défaut. »
  2. Duvergier, lois des 8-15 avril 1791, des 7-11 mars 1793, du 26 octobre 1793, des 6-10 janvier 1794. — Mirabeau avait déjà proposé de réduire la quotité disponible au dixième.