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L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE ET SON ŒUVRE


ratives, ou de dénonciations menaçantes. Souvent les pétitionnaires viennent en personne lire leurs effusions enthousiastes, leurs conseils impérieux, leurs doctrines dissolvantes. Aujourd’hui c’est Danton, au nom de Paris, avec sa face de taureau et sa voix qui semble un tocsin d’émeute ; demain ce sont les vainqueurs de la Bastille ou telle autre troupe avec un corps de musique qui joue de ses instruments jusque dans la salle. La séance n’est plus une conférence d’affaires, mais un opéra patriotique, où l’églogue, le mélodrame, et parfois la mascarade, se mêlent parmi les claquements de mains et les bravos[1]. — On présente à l’Assemblée un serf du Jura âgé de cent vingt ans, et l’un des membres du cortège, « M. Bourdon de la Crosnière, directeur d’une école patriotique, demande de s’emparer de l’auguste vieillard, pour le faire servir par des jeunes gens de tous les rangs, surtout par les enfants dont

  1. Moniteur, 11 mars 1790. « Une religieuse de Saint-Mandé, présente à la barre, remercie l’Assemblée du décret par lequel les cloîtres sont ouverts, dénonce les ruses, les intrigues et même les violences qu’on emploie dans les couvents pour empêcher l’exécution du décret. » — Ib., 29 mars 1790. Lecture de différentes adresses. « À Lagnon, une mère de famille a rassemblé ses dix enfants, et a juré devant Dieu avec eux et pour eux d’être fidèle à la nation, à la loi et au roi. » Ib., 5 juin 1790. « M. Chabroud fait lecture de la lettre du receveur des traites de Lannion en Bretagne à un curé, membre de l’Assemblée nationale. Il implore son suffrage pour faire agréer son serment civique et celui de toute sa famille, prête à manier également l’encensoir, la charrue, la balance, l’épée et la plume. » — Quand on a lu un certain nombre de ces adresses, il semble que l’Assemblée soit une succursale des Petites Affiches.