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LA RÉVOLUTION


sont des comédiens envoyés par la nation pour subir les sifflets du public parisien. Le fait est qu’on les interrompt comme au théâtre, et que parfois, s’ils déplaisent, on les fait taire. — D’autre part, devant ce public actif et consulté, les députés populaires sont des acteurs en scène ; involontairement, ils subissent son influence, et leur pensée, comme leur parole, s’exagère pour être à son unisson. — En de pareilles circonstances, le tumulte et la violence deviennent choses d’usage, et une Assemblée perd la moitié de ses chances de sagesse : car, en devenant un club de motionnaires, elle cesse d’être un conclave de législateurs.

Entrons plus avant, et voyons comment celle-ci procède. Ainsi encombrée, entourée, agitée, prend-elle au moins les précautions sans lesquelles nulle réunion d’hommes ne peut se gouverner elle-même ? — Visiblement, quand plusieurs centaines de personnes délibèrent ensemble, il leur faut au préalable une sorte de police intérieure, un code d’usages consacrés ou de précédents écrits, pour préparer, diviser, limiter, accorder et conduire leurs propres actes. Le meilleur de ces codes est tout fait, à portée : sur la demande de Mirabeau[1], Romilly leur a envoyé le règlement de la Chambre des Communes anglaises. Mais, dans leur présomption de novices, ils n’y font point attention, ils croient pouvoir s’en passer, ils ne veulent rien em-

    de l’abbé Maury). — Marmontel, liv. XIII, 237. — Malouet, I, 261. — Bailly, I, 227.

  1. Sir Samuel Romilly, Memoirs, I, 102, 354. — Dumont, 158. (Le règlement officiel est du 29 juillet 1789.)