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L’ANARCHIE SPONTANÉE


« gens sensés de tous les partis, mais qu’elle est consommée, irrésistible ». — Ainsi les trois meilleurs esprits de la Révolution, ceux dont les prévisions justifiées attestent le génie ou le bon sens, les seuls qui, pendant deux ans, trois ans, et de semaine en semaine, aient toujours prédit juste et par raison démonstrative, tous les trois, Mallet du Pan, Mirabeau, Malouet, sont d’accord pour qualifier l’événement et pour en mesurer les conséquences. On roule sur une pente à pic, et personne n’a la force ou les moyens d’enrayer. Ce n’est pas le roi : « indécis et faible au delà de tout ce qu’on peut dire, son caractère ressemble à ces boules d’ivoire huilées qu’on s’efforcerait vainement de retenir ensemble[1] ». Et, quant à l’Assemblée, aveuglée, violentée, poussée en avant par la théorie qu’elle proclame et par la faction qui la domine, chacun de ses grands décrets précipite la chute.

  1. Correspondance de Mirabeau et de M. de la Marck, I, 125 (Paroles de Monsieur au comte de la Marck.)