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LA RÉVOLUTION


l’Assemblée nationale, où elles seront aussi à l’aise que chez elles[1]. — En tout cas, le premier peloton qui se met en marche est de cette espèce, avec le linge et la gaieté de l’emploi, « la plupart jeunes, vêtues de blanc, coiffées et poudrées, ayant l’air enjoué », plusieurs « riant, chantant et dansant », comme elles font au début d’une partie de campagne. Trois ou quatre sont connues par leur nom, l’une qui brandit une épée, l’autre qui est la fameuse Théroigne ; Madeleine Chabry, dite Louison, qu’elles choisissent pour parler au roi, est une jolie grisette qui vend des bouquets, et sans doute autre chose au Palais-Royal. Quelques-unes semblent être des premières dans leur métier, avoir du tact et l’habitude du monde : supposez, si vous voulez, que Chamfort et Laclos ont envoyé leurs maîtresses. Ajoutez-y des blanchisseuses, des mendiantes, des femmes sans souliers, des poissardes racolées depuis plusieurs jours à prix d’argent. — Tel est le premier noyau, et il va grossissant ; car, de force ou de gré, la troupe s’incorpore les femmes qu’elle rencontre, portières, couturières, femmes de ménage et même des bourgeoises chez lesquelles on monte, avec menace de leur couper les cheveux si elles ne suivent pas. — Joignez à cela des gens sans aveu, des rôdeurs de rue, des bandits, des voleurs, toute cette lie qui s’est entassée à Paris et qui surnage à chaque secousse : il y en a déjà à la pre-

  1. Procédure criminelle du Châtelet. Déposition 61. « Pendant cette nuit, il se passa entre ces gens des scènes peu décentes, que le témoin croit inutile de raconter. »