Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 3, 1909.djvu/165

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
151
L’ANARCHIE SPONTANÉE


la cervelle et les hommes poussés par le besoin de domination : puisque nos chefs nous désobéissent là-bas, allons-y et faisons-nous obéir, séance tenante ; le roi chicane sur la Constitution et les Droits de l’homme, qu’il les sanctionne ; ses gardes refusent notre cocarde, qu’ils la prennent ; on veut l’emmener à Metz, qu’il vienne à Paris ; là, sous nos yeux et sous nos mains, avec l’Assemblée qui se traîne en boiteuse, il ira droit et vite, elle aussi, de gré ou de force, et toujours dans le bon chemin. — Sous ce confluent d’idées, l’expédition se prépare[1]. Dix jours auparavant, on en parlait publiquement à Versailles. Le 4 octobre, à Paris, une femme la propose au Palais-Royal ; Danton mugit aux Cordeliers ; Marat a fait à lui seul autant de bruit que les quatre trompettes du jugement dernier » ; — « il faut, écrit Loustalot, un second accès de Révolution ». — « La journée se passe, dit Desmoulins, à tenir conseil au Palais-Royal, au faubourg Saint-Antoine, au bout des ponts, sur les quais,… à faire main basse sur les cocardes d’une seule couleur… Elles sont arrachées, foulées aux pieds, avec menace de la lanterne en cas de récidive : un militaire essayant de rattacher la

  1. Procédure criminelle du Châtelet. Déposition 148. — Buchez et Roux, III, 65, 67. (Récit de Desmoulins, article de Loustalot.) — Mercure de France, n° du 5 septembre 1789. « Dimanche soir, 30 août, au Palais-Royal, on demanda l’expulsion de plusieurs députés de tout ordre, spécialement d’une partie de ceux du Dauphiné… On parlait d’amener le Roi à Paris, ainsi que M. Le Dauphin. On exhortait tous les citoyens vertueux, tous les patriotes incorruptibles, à se transporter sur-le-champ à Versailles. »