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LA RÉVOLUTION


est avéré qu’il faut se défier, être en garde contre des ennemis. Par cette prise, les démagogues nouveaux tiennent le peuple et, à l’occasion, vont le tourner contre ses chefs. — Il ne sert de rien de lui montrer que ceux-ci sont patriotes, que tout à l’heure ils ont accueilli Necker avec des cris d’enthousiasme, que les prêtres, les moines, les chanoines eux-mêmes ont pris les premiers la cocarde nationale, que les nobles de la ville et des environs sont les plus libéraux de la France, que, le 20 juillet, la garde bourgeoise a sauvé la ville, que tous les riches donnent pour les ateliers nationaux, que le maire Huez, « magistrat intègre et vénérable », est un bienfaiteur pour les pauvres et pour le public. Tous les conducteurs anciens sont suspects. — Le 8 août, un attroupement exige le renvoi des dragons, des armes pour tous les volontaires, le pain à deux sous, l’élargissement des détenus. Le 19 août, la garde nationale écarte les anciens officiers comme aristocrates, et en élit d’autres. Le 27 août, la foule envahit l’hôtel de ville et se distribue les armes. Le 5 septembre, deux cents hommes, conduits par Truelle, président du nouveau comité, forcent le grenier de la gabelle et se font délivrer le sel à six sous. — En même temps, dans les bas-fonds de la cité, une légende se forme : puisque le blé manque, c’est que Huez, le maire, M. de Saint-Georges, l’ancien commandant, sont des accapareurs ; et l’on dit de Huez, comme cinq semaines auparavant de Foullon, « qu’il veut faire manger du foin au peuple ». La bête populaire gronde sourdement et va s’élancer. — Selon la coutume, au lieu de la brider, on