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L’ANCIEN RÉGIME


époque, il y en avait 300 au dépôt de Besançon, 500 au dépôt de Rennes, 650 au dépôt de Saint-Denis. Leur entretien coûtait au roi un million par an, et Dieu sait comment ils étaient entretenus ! De l’eau, de la paille, du pain, deux onces de graisse salée, en tout cinq sous par jour ; et, comme depuis vingt ans le prix des denrées avait augmenté d’un tiers, il fallait que le concierge chargé de la nourriture les fit jeûner ou se ruinât. — Quant à la façon de remplir les dépôts, la police est turque à l’endroit des gens du peuple ; elle frappe dans le tas, et ses coups de balai brisent autant qu’ils nettoient. Par l’ordonnance de 1778, écrit un intendant[1], « les cavaliers de la maréchaussée doivent arrêter, non seulement les mendiants et vagabonds qu’ils rencontrent, mais encore ceux qu’on leur dénonce comme tels ou comme personnes suspectes. Le citoyen le plus irréprochable dans sa conduite et le moins suspect de vagabondage ne peut donc se promettre de ne pas être enfermé au dépôt, puisque sa liberté est à la merci d’un cavalier de la maréchaussée constamment susceptible d’être trompé par une fausse dénonciation ou corrompu à prix d’argent. J’ai vu dans le dépôt de Rennes plusieurs maris arrêtés sur la seule dénonciation de leurs femmes, et autant de femmes sur celle de leurs maris ; plusieurs enfants

    tres des concierges des prisons de Carcassonne (22 juin 1789), de Béziers (19 juillet 1786), de Nîmes (1er juillet 1786), de l’intendant, M. d’Aîne (19 mars 1786).

  1. Archives nationales, H, 554 (Lettre de M. de Bertrand, intendant de Rennes, du 17 août 1785).