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L’ANCIEN RÉGIME


ne lâche prise ; ayant sucé une fois, il suce toujours. « C’est pourquoi, en Bretagne, dit un intendant[1], il n’y a aucune ville dont la dépense ne dépasse les revenus. » Elles ne peuvent raccommoder leur pavé, elles ne peuvent réparer leurs chemins, « leurs approches sont presque impraticables ». Comment feraient-elles pour s’entretenir, obligées, comme elles le sont, à payer après avoir payé déjà ? Leurs octrois accrus en 1748 devaient fournir en onze ans les 606 000 livres convenues ; mais, les onze ans écoulés, le fisc soldé a maintenu ses exigences, si bien qu’en 1774 elles ont déjà verse 2 071 052 livres et que l’octroi provisoire dure toujours. — Or cet octroi exorbitant pèse partout sur les choses les plus indispensables à la vie, et de cette façon l’artisan est plus chargé que le bourgeois. À Paris, ainsi qu’on l’a vu, le vin paye par muid 47 livres d’entrée ; au taux où est l’argent, c’est le double d’aujourd’hui. « Un turbot, sorti de la côte de Harfleur et arrivé en poste, paye d’entrée onze fois sa valeur ; partant, le peuple de la capitale est condamné à ne pas manger de poisson de mer[2]. » Aux portes de Paris, dans la mince paroisse d’Aubervilliers, je trouve « des droits excessifs sur le foin, la paille, les grains, le suif, la chandelle, les œufs, le sucre, le poisson, les fagots, le bois de chauffage[3] ». Compiègne paye toute sa taille au moyen

  1. Archives nationales, H, 612, 614 (Lettres de M. Caze de la Bove, 11 septembre et 2 décembre 1774, 28 juin 1777).
  2. Mercier, II, 62.
  3. Doléances de la paroisse d’Aubervilliers.