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LE PEUPLE


De Riom, de La Rochelle, de Limoges, de Lyon, de Montauban, de Caen, d’Alençon, des Flandres, de Moulins, les autres intendants mandent des nouvelles semblables. On dirait un glas funèbre qui s’interrompt pour reprendre ; même lorsque l’année n’est pas désastreuse, on l’entend de toutes parts. En Bourgogne, près de Châtillon-sur-Seine, « les impôts, les droits seigneuriaux et dîmes, les frais de culture partagent par tiers les productions de la terre et ne laissent rien aux malheureux cultivateurs, qui auraient abandonné leurs champs, si deux entrepreneurs suisses, fabricants de toiles peintes, n’étaient venus jeter par an quarante mille francs d’argent comptant dans le pays[1] ». En Auvergne, les campagnes se dépeuplent journellement ; plusieurs villages ont perdu, depuis le commencement du siècle, plus d’un tiers de leurs habitants[2]. « Si on ne se hâtait pas d’alléger le fardeau d’un peuple écrasé, dit en 1787 l’assemblée provinciale, l’Auvergne perdrait à jamais sa population et sa culture. » Dans le Comminges, au moment de la Révolution, des communautés menacent de faire abandon de leurs biens si on ne les dégrève pas[3]. « Personne n’ignore, dit l’assemblée de la Haute-Guyenne en 1784, que le sort des com-

  1. Archives nationales, II, 200 (Mémoire de M. Amelot, intendant de Dijon (1786).
  2. Gaultier de Biauzat, Doléances sur les surcharges que portent les gens du Tiers-état, etc. (1789), 188. — Procès-verbaux de l’assemblée provinciale d’Auvergne (1787), 175.
  3. Théron de Montaugé, l’Agriculture et les classes rurales dans le Toulousain, 112.