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L’ANCIEN RÉGIME


et lentement établies, composent la civilisation des âmes. Parce que nous les acceptons de confiance, elles n’en sont pas moins saintes, et elles n’en deviennent que plus saintes lorsque, soumises à l’examen et suivies à travers l’histoire, elles se révèlent à nous comme la force secrète qui, d’un troupeau de brutes, a fait une société d’hommes. — En général, plus un usage est universel et ancien, plus il est fondé sur des motifs profonds, motifs de physiologie, d’hygiène, de prévoyance sociale. Tantôt, comme dans la séparation des castes, il fallait conserver pure une race héroïque ou pensante, en prévenant les mélanges par lesquels un sang inférieur lui eût apporté la débilité mentale et les instincts bas[1]. Tantôt, comme dans l’interdiction des spiritueux ou des viandes, il fallait s’accommoder au climat qui prescrivait un régime végétal ou au tempérament de la race pour qui les boissons fortes étaient funestes[2]. Tantôt, comme dans l’institution du droit d’aînesse, il fallait former et désigner d’avance le commandant militaire auquel obéirait la bande, ou le chef civil qui conserverait le domaine, conduirait l’exploitation et soutiendrait la familles[3]. — S’il y a des raisons valables pour légitimer la coutume, il y en a de supé-

  1. Principe des castes dans l’Inde ; contraste des Aryens et des aborigènes, Soudras et Parias.
  2. D’après ce principe, aux îles Hawaï, les habitants ont porté une loi qui défend de vendre des spiritueux aux indigènes et qui permet d’en vendre aux Européens. (Ch. de Varigny, Quatorze ans aux îles Sandwich.)
  3. Cf. Le Play, de l’Organisation de la famille (Histoire d’un domaine dans les Pyrénées).