Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 2, 1910.djvu/17

Cette page a été validée par deux contributeurs.
3
L’ESPRIT ET LA DOCTRINE


tien et sujet parce qu’il était né chrétien et sujet. — Autour de la philosophie naissante et de la raison qui entreprend son grand examen, il y a des lois observées, un pouvoir reconnu, une religion régnante ; dans cet édifice, toutes les pierres se tiennent, et chaque étage s’appuie sur le précédent. Mais quel est le ciment commun, et où se trouve le fondement premier ? — Toutes ces règles civiles auxquelles sont assujettis les mariages, les testaments, les successions, les contrats, les propriétés et les personnes, règles bizarres et parfois contradictoires, qui les autorise ? D’abord la coutume immémoriale, différente selon la province, selon le titre de la terre, selon la qualité et la condition de l’individu ; ensuite la volonté du roi qui a fait écrire et qui a sanctionné la coutume. — Cette volonté elle-même, cette souveraineté du prince, ce premier des pouvoirs publics, qui l’autorise ? D’abord une possession de huit siècles, un droit héréditaire semblable à celui par lequel chacun jouit de son domaine et de son champ, une propriété fixée dans une famille et transmise d’aîné en aîné, depuis le premier fondateur de l’État jusqu’à son dernier successeur vivant ; ensuite la religion qui ordonne aux hommes de se soumettre aux pouvoirs établis. — Cette religion enfin, qui l’autorise ? D’abord une tradition de dix-huit siècles, la série immense des témoignages antérieurs et concordants, la croyance continue des soixante générations précédentes ; ensuite, à l’origine, la présence et les instructions du Christ, puis, au delà, dès l’origine du monde, le commandement et la parole de