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LA PROPAGATION DE LA DOCTRINE


« d’une vache dans sa main ». Jamais société n’a été plus détachée du christianisme. À ses yeux une religion positive n’est qu’une superstition populaire, bonne pour les enfants et les simples, non pour « les honnêtes gens » et les grandes personnes. Vous devez un coup de chapeau à la procession qui passe, mais vous ne lui devez qu’un coup de chapeau.

Dernier signe et le plus grave de tous. — Si les curés qui travaillent et sont du peuple ont la foi du peuple, les prélats qui causent et sont du monde ont les opinions du monde. Et je ne parle pas seulement ici des abbés de salon, courtisans domestiques, colporteurs de nouvelles, faiseurs de petits vers, complaisants de boudoir, qui dans une compagnie servent d’écho, et de salon à salon servent de porte-voix ; un écho, un porte-voix ne fait que répéter la phrase, sceptique ou non, qu’on lui jette[1]. Il s’agit des dignitaires, et, sur ce point, tous les témoignages sont d’accord. Au mois d’août 1767, l’abbé Bassinet, grand vicaire de Cahors, prononçant dans la chapelle du Louvre le panégyrique de saint Louis[2], « a supprimé jusqu’au signe de la croix. Point de texte, aucune citation de l’Écriture, pas un mot du bon Dieu ni des saints. Il n’a envisagé Louis IX que du côté des vertus politiques, guerrières et morales. Il a frondé

  1. L’abbé de Lattaignant, chanoine de Reims, auteur de poésies légères et de chansons de soupers, « vient de faire pour le théâtre de Nicolet une parade où l’intrigue est soutenue de beaucoup de saillies polissonnes très à la mode aujourd’hui. Les courtisans qui donnent le ton à ce théâtre trouvent le chanoine de Reims délicieux. » (Bachaumont, IV, 171. novembre 1768.)
  2. Bachaumont. III, 253. — Chateaubriand, Mémoires, I, 246.