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L’ANCIEN RÉGIME


engageant de l’homme bien élevé qui, introduisant les lecteurs dans sa pensée, leur fait les honneurs du logis. Êtes-vous familier avec lui, et du petit cercle intime dans lequel il s’épanche en toute liberté, portes closes, le rire ne vous quittera plus. Brusquement, d’une main sûre et sans avoir l’air d’y toucher, il enlève le voile qui couvre un abus, un préjugé, une sottise, bref quelqu’une des idoles humaines. Sous cette lumière subite, la vraie figure, difforme, odieuse ou plate, apparaît ; nous haussons les épaules. C’est le rire de la raison agile et victorieuse. En voici un autre, celui du tempérament gai, de l’improvisateur bouffon, de l’homme qui reste jeune, enfant et même gamin jusqu’à son dernier jour, et « fait des gambades sur son tombeau ». Il aime les caricatures, il charge les traits des visages, il met en scène des grotesques[1], il les promène en tous sens comme des marionnettes, il n’est jamais las de les reprendre et de les faire danser sous de nouveaux costumes ; au plus fort de sa philosophie, de sa propagande et de sa polémique, il installe en plein vent son théâtre de poche, ses fantoches, un bachelier, un moine, un inquisiteur, Maupertuis, Pompignan, Nonotte, Fréron, le roi David, et tant d’autres qui viennent devant nous pirouetter et gesticuler en habit de scaramouche et d’arlequin. — Quand le talent de la farce s’ajoute ainsi au besoin de la vérité, la plaisanterie devient toute-

  1. Le bachelier dans le dialogue des Mais (Jenny). — Canonisation de saint Cucufin. — Conseils à frère Pediculoso. — Diatribe du docteur Akakia. — Conversation de l’empereur de Chine avec frère Rigolo, etc.