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LE RÉGIME MODERNE

I

Si nettes et si vives que soient chez Napoléon les convictions de l’artiste, ce qui domine en lui, ce sont les préoccupations du souverain : il ne lui suffit pas que sa bâtisse soit monumentale, régulière et belle ; avant tout, comme il y réside et qu’il l’exploite, il veut qu’elle soit habitable, habitable pour les Français de l’an 1800. En conséquence, il tient compte des habitudes et des dispositions qu’il rencontre chez ses locataires, de tous les besoins forts et permanents auxquels la nouvelle habitation doit pourvoir ; seulement, il faut que ces besoins ne soient pas théoriques et vagues, mais constatés et définis ; car il est calculateur aussi exact que profond, et il n’opère que sur des données positives. « Ma politique, dit-il au Conseil d’État[1], est de gouverner les hommes comme le grand nombre veut l’être… C’est en me faisant catholique que j’ai fini la guerre de Vendée, en me faisant musulman que je me suis établi en Égypte, en me faisant ultramontain que j’ai gagné les prêtres en Italie. Si je gouvernais un peuple de juifs, je rétablirais le temple de Salomon. Aussi je parlerai de liberté dans la partie libre de Saint-Domingue ; je confirmerai l’esclavage à l’île de France et même dans la partie esclave de Saint-Domingue, en me réservant d’adoucir et de limiter l’esclavage là où je le maintiendrai, de rétablir l’ordre et de maintenir la disci-

  1. Rœderer, III, 334 (16 août 1800).