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LE RÉGIME MODERNE


probants, quotidiens et notoires. Un domaine patrimonial qui rapporte 3000 francs trouve acquéreur à 100 000 francs ; tout à côté, un domaine national qui rapporte juste autant ne trouve acquéreur qu’à 60 000 francs ; après plusieurs ventes et reventes, la dépréciation persiste et retranche aux biens confisqués 40 pour 100 de leur valeur[1]. Ainsi roule et se prolonge, de

  1. Napoléon, Correspondance, lettre du 5 septembre 1795 : « Les biens nationaux et des émigrés ne sont pas chers ; les patrimoniaux sont hors de prix. » — Archives nationales, cartons 3144 et 3145, n° 1004, missions des conseillers d’État, an IX (Rapport de Lacuée sur les sept départements de la division de la Seine) : « Dans la Seine, la proportion entre la valeur des biens nationaux et patrimoniaux est de 8 à 15. » — Dans l’Eure, les biens nationaux de toute espèce se vendent du denier 9 au denier 12, les patrimoniaux du denier 20 au denier 22. On distingue deux sortes de biens nationaux : les uns de première origine (biens du clergé) ; les autres de seconde origine (biens des émigrés). Les seconds sont beaucoup plus dépréciés que les premiers. Comparés aux biens patrimoniaux, dans l’Aisne, les premiers perdent un cinquième ou un quart de leur valeur, les seconds un tiers ; dans le Loiret, les premiers perdent un quart, les seconds un demi ; dans Seine-et-Oise, les premiers perdent un tiers, les seconds trois cinquièmes ; dans l’Oise, les premiers sont à peu près au pair, les seconds perdent un quart. — Rœderer, III, 472 (décembre 1803). Dépréciation des biens nationaux en Normandie : « On ne les achète guère au-dessus du denier 15 ; mais c’est le sort de cette espèce de biens dans tout le reste de la France. » — Ib., III, 534 (janvier 1809) : « En Normandie, on ne place pas son argent à 3 pour 100 en biens patrimoniaux ; on le place à 5 pour 100 en biens de l’État. » — Moniteur (4 janvier 1825). Rapport de M. de Martignac : « Les biens confisqués sur les émigrés trouvent difficilement des acquéreurs, et leur valeur dans le commerce n’est point en proportion de leur valeur matérielle. » — Duclosage, ancien inspecteur des domaines, Moyens de porter les domaines nationaux à la valeur des biens patrimoniaux, 7 : « Depuis 1815, les biens nationaux ont été généralement achetés sur le pied d’un revenu de 5 pour 100, tandis que les patrimoniaux ne se vendent qu’au taux d’un revenu de 3 pour 100 et 4 pour 100