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LE RÉGIME MODERNE


— Or l’institution d’État, par laquelle il prétend remplacer les établissements anciens et les établissements libres, ne fait figure que sur le papier. Il a installé ou décrété une école centrale par département, quatre-vingt-huit pour le territoire de l’ancienne France ; ce n’est guère pour tenir lieu des huit ou neuf cents collèges, d’autant plus que ces nouvelles écoles sont à peine viables, délabrées par avance[1], mal entretenues, mal outillées, qu’elles n’ont pas de succursales préparatoires ni de pensionnats annexes[2], que le plan des études y est mal agencé, que l’esprit des études est suspect aux parents[3]. Aussi la plupart des cours y sont déserts ; il n’y

  1. Archives nationales, cartons 3144 et 3145, n° 104 (Rapports des conseillers d’État en mission dans l’an IX). Rapport de Lacuée sur la 1re division militaire. À Paris, trois écoles centrales, l’une dite des Quatre-Nations. « Il faut visiter cette école pour se peindre l’état de destruction et de délabrement de tous les bâtiments nationaux. Depuis l’ouverture des écoles, on n’a fait aucune réparation : tout tombe et se détruit… Des murs à bas, des planchers enfoncés… Pour préserver les élèves des dangers que présente à toute heure l’habitation de ces bâtiments, on est obligé de faire les cours dans des chambres très insalubres par leur petitesse et leur humidité. Dans la classe de dessin, les modèles et les papiers se moisissent dans les portefeuilles. »
  2. Albert Duruy, l’Instruction publique et la Révolution, 484 (Procès-verbaux des Conseils généraux, an IX, passim).
  3. Ib., 476 (Statistiques des préfets. Sarthe, an X) : « Des préventions difficiles à détruire, tant sur la stabilité de cette école que sur la moralité de quelques professeurs, en ont empêché quelque temps la fréquentation. » — 483 (Procès-verbaux des Conseils généraux, Bas-Rhin : « Le renversement de la religion a inspiré des préventions contre les écoles centrales. » — 482 (Ib., Lot) : « La plupart des professeurs de l’École centrale ont figuré dans la Révolution d’une manière peu honorable : leur réputation nuit au succès de leur enseignement ; leurs écoles sont désertes. »