Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 10, 1904.djvu/271

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
269
LE DÉFAUT ET LES EFFETS DU SYSTÈME


contribution directe, à la campagne comme à la ville : ce sont toujours les contribuables aisés ou riches qui, par leur surcharge, déchargent plus ou moins complètement les contribuables malaisés ou pauvres ; ce sont les gros et moyens propriétaires, les gros et moyens patentés, les occupants d’un logis qui a plus de cinq ouvertures[1] et dont la valeur locative dépasse 1000 francs, qui, dans la dépense locale, payent, outre leur dû, le dû des autres, et, par leurs centimes additionnels, défrayent presque seuls le département et la commune. — Il en est toujours ainsi dans une société locale, sauf le cas où elle est rentière, largement pourvue d’immeubles productifs, et capable de pourvoir à ses besoins sans taxer ses membres ; hors ce cas si rare, elle est forcée de surtaxer les uns pour dégrever les autres. En d’autres termes, comme toute entreprise, elle fabrique un produit et le met en vente ; mais, à l’inverse des autres entreprises, elle vend son produit, une quantité

  1. Paul Leroy-Beaulieu, Traité de la science des finances, I, 367, 368 : « Dans les communes au-dessous de 5000 habitants, le principal de la taxe des portes et fenêtres est, pour les maisons à une ouverture, de 0 fr. 30 par an ; pour les maisons à deux ouvertures, de 0 fr. 45 ; pour les maisons à trois ouvertures, de 0 fr. 90 ; pour les maisons à quatre ouvertures, de 1 fr. 60. » Or « une maison à cinq ouvertures paye presque neuf fois autant qu’une maison à une ouverture. » Les petits contribuables sont donc dégrevés au préjudice des gros et moyens, et l’on peut apprécier la grandeur de ce dégrèvement par les chiffres suivants. En 1885, sur 8 975 106 maisons, il y en avait 248 352 à une ouverture ; 1 827 104 à deux ouvertures ; 1 624 516 à trois ouvertures ; 1 165 902 à quatre ouvertures. Ainsi plus de la moitié des habitations, toutes celles des gens pauvres ou malaisés, sont dégrevées, et, comme la taxe est un impôt, non de quotité, mais de répartition, l’autre moitié est surchargée d’autant.