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OBJET ET MÉRITES DU SYSTÈME


Napoléon fait mieux : il la confisque ; il s’en arroge le monopole, il dérobe à l’ancien régime sa marque de fabrique, il crée lui-même 48 000 chevaliers, 1090 barons, 388 comtes, 31 ducs, 3 princes ; bien plus, aux anciens nobles qu’il introduit dans sa noblesse nouvelle, il impose sa propre marque : il les titre à nouveau, et parfois d’un titre inférieur ; tel duc baisse d’un cran et devient simple comte : admise au pair ou réduite, la monnaie féodale doit, pour avoir cours, repasser par la frappe impériale, qui inscrit sur elle, en chiffres modernes, sa valeur reconnue. — Au reste, quel que soit le métal préalable, or, argent ou cuivre, même plébéien et brut, la monnaie neuve est de bon aloi et très belle. Souvent, comme l’ancienne, elle étale en haut relief des armoiries, une couronne héraldique, un nom de lieu ; ce n’est pas un nom de terre, et il ne rappelle pas une souveraineté primitive ; mais c’est un nom de victoire ou de conquête, et il rappelle des exploits récents. Duc de Montebello ou prince de la Moskowa, cela équivaut, du moins dans l’imagination des contemporains, à duc de Montmorency ou à prince de Rohan ; car, si le prince ou duc de l’Empire n’a pas d’ancêtres, il est et sera lui-même un ancêtre. — À ces prix convoités par la vanité, Napoléon attache tous les avantages solides et pécuniaires, en espèces sonnantes, en biens territoriaux, non seulement les gros traitements, les sénatoreries adjointes, les larges cadeaux intermittents, un million en une seule fois au général Lasalle, mais aussi les vastes revenus du domaine extraordi-