Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 1, 1909.djvu/286

Cette page a été validée par deux contributeurs.
256
L’ANCIEN RÉGIME


des princes au public, en prose, en vers, par les compliments de fête, par les réponses officielles, depuis le style des édits royaux jusqu’aux chansons des dames de la halle, c’est un échange continuel de grâces et de tendresses. Des applaudissements éclatent au théâtre lorsqu’un vers fait allusion à la vertu des princes, et, un instant après, quand une tirade exalte les mérites du peuple, les princes prennent leur revanche de politesse en applaudissant à leur tour[1]. — De toutes parts, au moment où ce monde finit, une complaisance mutuelle, une douceur affectueuse vient, comme un souffle tiède et moite d’automne, fondre ce qu’il y avait encore de dureté dans sa sécheresse, et envelopper dans un parfum de roses mourantes les élégances de ses derniers instants. On rencontre alors des actions, des mots d’une grâce suprême, uniques en leur genre, comme une mignonne et adorable figurine de vieux Sèvres. Un jour

  1. Hippeau, IV, 86 (23 juin 1773), représentation du Siège de Calais à la Comédie Française : « Au moment où Mlle Vestris a prononcé ces vers :

    Le Français dans son prince aime à trouver un frère,
    Qui, né fils de l’État, en devienne le père.

    « De longs et unanimes applaudissements ont accueilli l’actrice, qui s’était tournée vers M. le Dauphin. Dans un autre endroit se trouvaient ces vers :

    Quelle leçon pour vous, superbes potentats !
    Veillez sur vos sujets dans le rang le plus bas
    Tel, loin de vos regards, dans la misère expire,
    Qui, quelque jour peut-être, eût sauvé votre empire.

    « M. le Dauphin et Mme la Dauphine ont pris leur revanche et vivement applaudi la tirade. Cette marque de sensibilité de leur part a été accueillie par de nouveaux transports de tendresse et de reconnaissance. »