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L’ANCIEN RÉGIME


domicile. — Pour accueillir un grand personnage, pour célébrer la fête du maître ou de la maîtresse de la maison, ses hôtes ou ses invités lui jouent une opérette improvisée, quelque pastorale ingénieuse et louangeuse, tantôt habillés en Dieux, en Vertus, en abstractions mythologiques, en Turcs, en Lapons, en Polonais d’opéra, et pareils aux figures qui ornent alors le frontispice des livres ; tantôt en costumes de paysans, de magisters, de marchands forains, de laitières, de rosières, et semblables aux villageois bien appris dont le goût du temps peuple alors le théâtre. Ils chantent, ils dansent, et viennent tour à tour débiter de petits vers de circonstance qui sont des compliments bien tournés[1]. — À Chantilly, « la jeune et charmante duchesse de Bourbon, parée en voluptueuse Naïade, conduit le comte du Nord, dans une gondole dorée, à travers le grand canal, jusqu’à l’île d’Amour » ; de son côté, le prince de Conti sert de pilote à la grande-duchesse ; les autres seigneurs et les dames, « chacun sous des vêtements allégoriques », font l’équipage[2], et, sur ces belles eaux, dans ce nouveau jardin d’Alcine, le riant et galant cortège semble une féerie du Tasse. — Au Vaudreuil, les dames, averties qu’on veut les enlever pour le sérail, s’habillent en vestales, et le grand prêtre, avec de jolis couplets, les reçoit dans son

  1. Duc de Luynes, XVI, 161 (septembre 1757). Fête villageoise donnée au roi Stanislas par Mme de Mauconseil, à Bagatelle. — Bachaumont, III, 247 (7 septembre 1767). Fête donnée par le prince de Condé.
  2. Correspondance, par Métra, XIII, 97 (15 juin 1782), et V, 232 (24 et 25 juin 1777). — Mme de Genlis, Mémoires, chap. xiv.