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LES MŒURS ET LES CARACTÈRES


autre où elle assiste avec toute la famille royale, sauf Mesdames, et qui dure depuis onze heures et demie du soir jusqu’à onze heures du matin. Cependant, les jours ordinaires, le pharaon fait rage ; dans son salon, « le jeu n’a plus de bornes » ; en une soirée, le duc de Chartres y perd huit mille louis. Véritablement cela ressemble au carnaval italien ; rien n’y manque, ni les masques, ni la comédie de société : on joue, on rit, on danse, on dîne, on écoute de la musique, on se costume, on fait des parties champêtres, on dit des galanteries et des médisances. « La chanson nouvelle[1], dit une femme de chambre instruite et sérieuse, le bon mot du jour, les petites anecdotes scandaleuses formaient les seuls entretiens du cercle intime de la reine. » — Pour le roi, qui est un peu lourd et qui a besoin d’exercice corporel, la chasse est sa grande affaire. De 1775 à 1789[2], récapitulant lui-même ce qu’il fait, il trouve « cent quatre chasses au sanglier, cent trente-quatre au cerf, deux cent soixante-six au chevreuil, trente-trois hourailleries, mille vingt-cinq tirés », en tout quinze cent soixante-deux jours de chasse, c’est-à-dire une chasse au moins tous les trois jours ; outre cela, cent quarante-neuf voyages sans chasse, et deux cent vingt-trois promenades à cheval ou en voiture. « Pendant quatre mois de l’année[3], il va à Rambouillet deux fois par semaine et n’en revient

  1. Mme Campan, I, 147.
  2. Nicolardot, Journal de Louis XVI, 129.
  3. Comte d’Hézecques, ib., 253. — Arthur Young, I, 215.