Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 1, 1909.djvu/115

Cette page a été validée par deux contributeurs.
87
LA STRUCTURE DE LA SOCIÉTÉ


vous passez votre vie à leur en donner l’exemple ? — « Sire, pour mes curés la chasse est leur défaut ; pour moi, c’est le défaut de mes ancêtres. » — Lorsque l’amour-propre de caste monte ainsi la garde autour d’un droit, c’est avec une vigilance intraitable. À cet effet leurs capitaines de chasse, veneurs, gardes forestiers, gruyers, protègent les bêtes comme si elles étaient des hommes, et poursuivent les hommes comme s’ils étaient des bêtes. Dans le bailliage de Pont-l’Évêque, en 1789, on cite quatre exemples « d’assassinats récents commis par les gardes-chasses de Mme d’A., de Mme N., d’un prélat et d’un maréchal de France sur des roturiers pris en délit de chasse ou de port d’arme. Tous les quatre jouissent publiquement de l’impunité. Dans l’Artois, une paroisse déclare que, « sur le territoire de la châtellenie, le gibier dévore tous les avêtis et que les cultivateurs se verront forcés d’abandonner leur exploitation ». Près de là, à Rumancourt, à Bellone, « les lièvres, les lapins, les perdrix dévorent entièrement les avêtis, le comte d’Oisy ne chassant pas et ne faisant pas chasser ». Dans vingt villages circonvoisins d’Oisy où il chasse, c’est à cheval et à travers les récoltes. « Ses gardes toujours armés ont tué plusieurs personnes, sous prétexte de veiller à la conservation des droits de leur maître… Le gibier, qui excède de beaucoup celui des capitaineries royales, mange chaque année l’espoir de la récolte, vingt mille razières de blé et autant d’autres grains. » Dans le bailliage d’Évreux, « le gibier vient