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jointes, et je mets ensemble la chute, la forme, la structure, la couleur, le son, et vingt autres circonstances qui réellement ne sont point liées. Un fait est donc un amas arbitraire, en même temps qu’une coupure arbitraire, c’est-à-dire un groupe factice, qui sépare ce qui est uni, et unit ce qui est séparé[1]. Ainsi, tant que nous ne regardons la nature que par l’observation seule, nous ne la voyons pas telle qu’elle est : nous n’avons d’elle qu’une idée provisoire et illusoire. Elle est proprement une tapisserie que nous n’apercevons qu’à l’envers. Voilà pourquoi nous tâchons de la retourner. Nous nous efforçons de démêler des lois, c’est-à-dire des groupes naturels, qui soient effectivement distincts de leur entourage et qui soient composés d’éléments effectivement unis. Nous découvrons des couples, c’est-à-dire des composés réels et des liaisons réelles. Nous passons de l’accidentel au nécessaire, du relatif à l’absolu, de l’apparence à

  1. « Un fait, me disait un physicien éminent, est une superposition de lois. »