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chent dans l’azur du ciel sur les broderies argentées de l’écorce. Quelquefois il y en a deux ou trois sur un versant, solitaires, immobiles comme un poste avancé de sentinelles, avec une fierté et une beauté juvéniles. D’autres en troupe descendent jusqu’au fond d’une gorge, comme une armée en marche. Leurs lamelles serrées éteignent le soleil ; on l’aperçoit à travers la colonnade des troncs, obscurci et transfiguré comme à travers des vitraux de cathédrale ; d’autres fois, par une subite percée, il arrive avec un flamboiement magnifique dans une clairière et ruisselle en nappe sur les mousses, sur le tapis luisant des lichens, sur les longs branchages qui pendent. — Au-dessous de cette illumination, on voit monter par myriades dans l’ombre muette les sveltes corps des jeunes sapins des profondeurs, délicats, droits, élancés comme des colonnettes gothiques.

Mais le plus admirable spectacle est celui qu’on a du haut de Sainte-Odile, en regardant le couchant. Toutes les montagnes sont boisées jusqu’à la cime ; à perte de vue, des arbres et encore des arbres, hérissés contre le ciel, sorte