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indestructible, autour de laquelle est venu fleurir le reste.

Extérieurement, je n’aime l’église qu’à demi. Les tours sont massives et, pour les alléger, on a étendu dessus un vêtement distinct, un réseau d’ornements, un filigrane de statues, de fines moulures. — Un seul clocher à gauche ; l’édifice a l’air d’un amputé, et il ne paraît pas qu’on ait jamais pensé qu’il fallût un clocher correspondant à droite. Ce clocher lui-même est une riche efflorescence tout artificielle  ; la pierre est collée sur une carcasse en fer. — Ceci montre bien le caractère de cet art, exagéré, dépourvu de ce bon sens qui exige l’ordre et la symétrie, tout destiné à éblouir. — Plusieurs cathédrales gothiques ont leurs tours à cinquante pas, détachées. — Toute cette civilisation est pareille : un rêve puissant, violent, parfois délicat, souvent sublime, mais un rêve de malade.

Les statues sont admirables. Il y a là un art semblable à celui qui, presque au même temps, aboutit à Van Eyck, en Flandre ; Erwin de Steinbach meurt en 1318 ; la tour du nord est finie en 1365, la flèche est terminée en 1439.