Page:Taine - Carnets de voyage, 1897.djvu/331

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sent percer, ici comme partout, le lazzaronisme italien. — Un commis voyageur me disait aujourd’hui que dans le Gard et l’Ardèche, les habitants vivent de leurs mûriers et de leurs vers à soie : quarante jours de travail en tout dans l’année pour la récolte. En ce moment les vers sont malades, on commence à arracher les mûriers. Les gens n’en sont pas moins allègres, causent, rient, vont au café, payent la consommation trois sous, un sou, au lieu de dix, et bavardent ou regardent ainsi la moitié du jour. — La vie est si bon marché ! Le litre de vin, très pur et très capiteux, coûte à présent deux sous ; il ne coûtera qu’un sou dans un mois ! Tel propriétaire, en une année d’abondance, s’est débarrassé de son trop-plein en donnant à boire aux soldats à deux sous l’heure ; un autre, ayant besoin de ses tonneaux et ne voulant pas jeter son vin dans le ruisseau, a fait mettre un tonneau avec un robinet et un verre sur le passage des soldats ; buvait qui voulait. Un lieutenant à Toulouse m’a confirmé la même chose. Il conduisait dernièrement des recrues dans ce pays et on leur offrait le vin à