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et tranchant sur le pâturage par le moutonnement incessant de leur surface râpeuse. Je ne me lasse pas de regarder les bossellements âpres de ces rudes colons aussi obstinés que le granit breton, gardiens de la propriété humaine et habitants indestructibles de la lande. — Parfois, dans leurs files hérissées, un têteau de chêne, un petit pin, un maigre bouquet d’arbrisseaux, font saillie. — Tout cela vit, mais péniblement, avec effort, dans une teinte grise uniforme. De loin en loin seulement, un plant de jeune pin d’un vert tendre rit dans la bordure noirâtre.

Vers Carnac, tous les champs se hérissent de barrières de pierres ; à cet effet, les monuments celtiques ont été dévastés ; on estime qu’il a péri deux mille menhirs, il en reste onze ou douze cents. Nous en visitons les deux plus grandes files, l’une surtout qui s’avance jusqu’en vue de la mer, énormément longue, cinq rangs de pierres alignées de l’orient à l’occident, espacées, debout, beaucoup d’entre elles ren-