Page:Taine - Carnets de voyage, 1897.djvu/268

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Messe à Vannes. — L’église regorge : les hommes à l’entrée sont à deux genoux sur la pierre, roulant les grains de leur chapelet et marmottant, le regard terne, immobiles comme des corps figés en qui flotte un rêve. Sous le porche, un vieux pauvre, goutteux, courbé, enfoncé dans une sorte de chaise, ses longs cheveux gris pendant dans son cou, récite attentivement les yeux fermés, perdu dans sa contemplation, et ses doigts déroulent les grains, pendant que l’autre main tâte le Jésus de cuivre. — Une vieille, accroupie le long de la paroi de pierre, demi-tordue, égrène son chapelet en grignotant son pain avec des dents de sorcière. — Un aveugle s’est fait conduire dans l’intérieur et là, sentant bien le parvis saint, à genoux, le corps droit, marmotte aspirant la sainteté qui l’environne. — Femmes, filles, hommes défilent devant le bénitier, se signant avec un sérieux profond. Pas un minois éveillé, sauf dans les dames de la ville ; pas un geste déluré ; ils marchent, se signent et s’agenouillent avec une gravité et une simplicité hiératiques. Deux ou trois mignonnettes jeunes filles, avec