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tants, des théâtres ouverts. Le luxe, le jeu, les femmes, voilà les trois idées dominantes d’un Marseillais, selon tous mes hôtes ; ils ne songent qu’à gagner et à jouir.

J’ai passé une demi-heure le soir dans un casino chantant ; il est tout tapissé de glaces, avec un luxe exagéré et une profusion d’éclat qui fait mal aux yeux. Quel contraste si l’on pense aux cercles de Belgique, aux brasseries de Strasbourg ! Ici, tout est donné à la vie extérieure : musique parfaitement plate, plate et emphatique comme ce vin violet qu’on boit sur un comptoir d’argent ; ce sont des chansonnettes nouvelles, un grand air sentimental sur l’héroïne de Vaucouleurs, des scènes d’amour vulgaires ; paroles et musique sont du même goût. Ce qu’on va voir, ce sont des femmes décolletées et bien habillées. L’une d’elles, jeune, tout en bleu, avec un corsage bien marqué et agrémenté de boutons comme une veste de hussard, a eu un vrai succès ; elle donnait l’idée d’une soirée appétissante. À chaque salut elle s’inclinait de manière à montrer une gorge fort blanche. — Tout cela fait un luxe d’enrichis ; ce