Page:Taine - Carnets de voyage, 1897.djvu/185

Cette page a été validée par deux contributeurs.

en France, les Gaulois d’un côté et de l’autre le corps des fonctionnaires latins avec les débris de l’aristocratie germaine.

Par suite, la religion est toute-puissante. — Trente-huit maisons religieuses dans cette seule ville : le pensionnat des jésuites a sept cent cinquante élèves. — Tout est écrasé sous l’influence de Mgr Pie. — On compte par an trois cent mille personnes qui viennent à la châsse de sainte Radegonde ; quand vient la fête de la sainte, en août, les pèlerins sont si nombreux et en général si pauvres, qu’ils couchent dans une sorte de camp hors de la ville. J’ai vu le tombeau : il est dans une jolie église gothique du XIIe siècle déjà fortement enfoncée en terre. À toutes les portes et dans toutes les rues avoisinantes foisonnent des femmes qui courent sur vous et vous persécutent, avec des petites médailles de cinq sous, de dix sous et quantité de cierges ; sur le seuil, de vieux mendiants implorent la charité d’une voix chevrotante et lamentable. En vingt minutes, j’ai vu une douzaine de personnes entrer, gens du peuple, demi-bourgeois, tous avec un ou plusieurs petits cierges ; les plus