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poisson bienheureux, divin, endormi dans l’azur. Deux ou trois bandes minces d’un bleu plus pâle marquent l’endroit où tout d’un coup la profondeur augmente, et le ciel avec la mer ainsi veinée ressemblent aux deux valves lustrées, marbrées, d’une coquille de nacre.

Plus près, le port ; une trentaine de petits navires s’approchent lentement de l’ouverture ; les trois jetées dessinent avec un vif contour noir leur bande étroite ; le phare monte net, en relief ; une vieille forteresse fauve, sur une croupe, fait saillie sur la droite ; cette netteté des arêtes, cet admirable contraste des teintes claires, lumineuses et des formes âpres et tranchées, font un plaisir qu’on n’imaginait pas. Le port lui-même, protégé, luit comme une coupe de diamants. — Comme on comprend, en pareil pays, l’origine de la peinture.

Tout le long de la côte descendent et tournoient les rayures des chemins rougeâtres ; on se retourne et l’on voit l’escarpement abrupt de la montagne fauve et brûlée, puis, tout au loin, les chaînes des Pyrénées qui nagent bleuies, dorées,