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exigu, la tête d’oiseau sans cervelle — dindon ou canari. Des ailes noires pendent au corps, achèvent la ressemblance. L’on ne saurait imaginer Déroulède sans sa redingue plus que Charles XII sans ses bottes.

Ce n’est pas un méchant homme. S’il éructe des métaphores sanguinaires, des tropes aussi guerriers que mal bâtis, la faute en est aux dieux qui le firent si bête. Il brait, comme un roussin, des âneries anthropophages parce que nulle autre virtuosité n’est dans son registre. Le patriotisme est un refuge suprême où les ratés, les grimauds, sans cœur, esprit ni orthographe peuvent suspendre, comme une guirlande, leur imbécillité.

Déroulède ne crie pas : « Vive l’armée ! » comme Barrès pour fréquenter chez des personnes titrées, ni, comme Judet, pour suborner les cuisinières, ni, comme Drumont, pour crocheter les serrures. L’éléphant barit, le baudet renâcle ; ainsi Déroulède vocifère, tendant le poing du côté des Vosges.

C’est un « mirliton d’alarme », ainsi qu’on l’avait surnommé, un orgue de Barbarie qui moud naturellement tous les poncifs, toutes les sottises du chauvinisme le plus abject.