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pour rappeler ce que j’ai entendu spirituellement émettre et gravement discuter par ces hommes du plus haut mérite, qui exposaient leurs opinions, diverses ou semblables, mais toujours plausibles, chacun avec les formes de son esprit et de son caractère. Je les reproduirai aujourd’hui avec leurs. méthodes et leurs raisonnemens, en conservant l’ordre de la discussion : car il ne manqua pas d’orateurs qui soutinrent une opinion contradictoire, et qui, après avoir maltraité et ridiculisé le vieux temps, osèrent mettre au dessus des génies antiques l’éloquence de notre époque.

II. En effet, le lendemain du jour où Curiatius Maternus lut publiquement sa tragédie de Caton, dans laquelle, oubliant sa propre sûreté, il avait, dit-on, offensé les puissans du jour, pour ne penser qu’à son personnage, ce fut par la ville un grand sujet d’entretien, et il reçut la visite de M. Aper et de Julius Secundus, alors les plus illustres génies de notre barreau. Non-seulement je me faisais une étude de les écouter l’un et l’autre au forum, mais je les visitais chez eux ; je les suivais en public, poussé par une merveilleuse passion de m’instruire et par une certaine ardeur de jeune homme ; je faisais profit de leurs discours, de leurs discussions, et des secrets même de leur conversation intime, quoique généralement la malignité jugeât que Secundus était lourd dans ses plaidoyers, et qu’Aper devait sa réputation d’éloquence plutôt à son caractère et à la force de la nature qu’à l’étude et aux lettres. En effet, Secundus ne manquait pas d’une élocution pure, serrée et abondante autant qu’il était nécessaire ; et Aper, nourri de l’érudition ordinaire, dédaignait les belles-lettres plutôt qu’il ne les