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n’eussiez craint ni sa réserve ni son silence ; il croyait plus honorable de choquer que de haïr.

XXIII. Le quatrième été fut employé à s’assurer des pays qu’on avait parcourus ; et, si la valeur de nos armées et la gloire du nom romain devaient rencontrer des limites, elles les trouvèrent dans la Bretagne même : car les rivières de Glota et de Bodotria, que refoulent à une immense hauteur les flux de deux mers opposées, ne sont séparées l’une de l’autre que par une langue étroite de terre, alors fortifiée de citadelles ; nous tenions tout le pays de notre côté, et les ennemis étaient au delà, comme rejetés dans une autre île.

XXIV. La cinquième année de l’expédition, Agricola passa en Calédonie, sur le premier de nos vaisseaux qui vît ces bords ; et, par des combats aussi heureux que multipliés, il dompta des peuplades inconnues jusqu’à ce temps, et garnit de troupes la partie de la Bretagne qui regarde l’Hibernie, plutôt dans un espoir de conquête que par crainte. En effet l’Hibernie, située entre la Bretagne et l’Espagne, et à portée aussi de la mer des Gaules, pouvait un jour réunir, par de grands rapports, cette portion très puissante de l’empire. L’Hibernie, plus petite que la Bretagne, surpasse en étendue toutes les îles de notre mer. Le sol et le climat, le caractère et les usages des habitants, diffèrent peu de ceux de la Bretagne. Le commerce et les marchands nous ont fait mieux connaître ses côtes et ses ports. Agricola avait accueilli un des petits rois de cette nation, chassé par une sédition domestique, et, sous apparence d’amitié, il le retenait pour l’occasion. Souvent je lui ai entendu dire qu’avec une seule légion et quelques auxi-