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daient inévitables certaines souffrances dans le Gouvernement Général. Mais ces souffrances furent intensifiées par une politique concertée d’exploitation économique.

Dès les premiers temps de son administration, Frank inaugura la déportation d’ouvriers pour le travail forcé en Allemagne. Le 25 janvier 1940, il exprima son intention de déporter un million de travailleurs et fit entendre, le 10 mai 1940, que ce chiffre devait être atteint par des rafles de police. Le 18 août 1942, Frank annonça qu’il avait déjà fourni huit cent mille travailleurs au Reich et qu’il comptait pouvoir en livrer encore cent quarante mille avant la fin de l’année.

Les persécutions de Juifs commencèrent immédiatement. À l’origine, le territoire contenait deux millions cinq cent mille à trois millions cinq cent mille Juifs. Ils furent tous contraints de vivre dans des ghettos, soumis à des lois d’exception, privés de la nourriture nécessaire à leur subsistance, finalement exterminés systématiquement et brutalement. Le 16 décembre 1941, Frank déclara aux membres de son Cabinet : « Il nous faut exterminer les Juifs, où que nous les trouvions et partout où c’est possible, afin de maintenir la structure et la cohésion du Reich. » Dès le 25 janvier 1944, Frank estimait qu’il ne restait plus que cent mille Juifs.

Au début de sa déposition, Frank a déclaré ressentir une « terrible culpabilité » en ce qui concerne les atrocités commises dans les territoires occupés. Mais sa défense s’est bornée généralement à tenter de prouver qu’en fait il n’était pas responsable, qu’il n’a ordonné que les mesures de pacification nécessaires, que les excès furent dus aux activités d’une police qui n’était pas placée sous son contrôle, et qu’il n’eut même jamais connaissance du régime des camps de concentration. Il a également été soutenu que la famine ne fut qu’une conséquence de la guerre et de la politique suivie en vertu du Plan de quatre ans, que le programme du travail forcé était placé sous la direction de Sauckel, et que l’extermination des Juifs fut effectuée par la Police et les SS sous les ordres directs de Himmler.

Il est indiscutable que la majeure partie du programme criminel dont Frank est accusé fut exécutée par la Police, que Frank eut des conflits de compétence avec Himmler au sujet du contrôle de la Police et que Hitler donna raison à Himmler dans un grand nombre de cas. Il se peut donc que certains des crimes commis dans le Gouvernement Général l’aient été à l’insu de Frank et même parfois malgré lui. Peut-être aussi certaines méthodes criminelles ne furent-elles pas instaurées par Frank, mais exécutées en application d’instructions reçues d’Allemagne. Mais il est également vrai que Frank participa volontairement et consciemment aux mesures de terreur en Pologne, à l’exploitation économique de ce pays qui entraîna la